Peintre, dessinateur et graveur, né à la Chaux-de-Fonds en 1950.
Vit et travaille à Corsier-sur-Vevey depuis 1999.
Exposé en 2004 à l'Espace Courant d'Art.
Jean-Michel Jaquet fait ses premières classes artistiques à La Chaux-de-Fonds où son père est fonctionnaire cantonal. Ce passage à l'Ecole d'art appliqué est surtout destiné à préparer son entrée à l'Ecole des arts décoratifs de Genève où, de 1968 à 1971, il accomplit son cycle d'études en section de graphisme. Jean-Michel Jaquet a deux enfants, Julien, né en 1978, et Luc, né en 1981. Après de nombreux voyages et séjours à l'étranger, notamment en France de 1990 à 1997 et en Haute-Egypte en 1998, il s'installe et travaille à Corsier-sur-Vevey dans le vignoble de Lavaux.
C'est en 1973 que la galerie Numaga à Auvernier présente sa première exposition personnelle, entamant une collaboration étroite de vingt ans. Dès lors, l'artiste est sollicité individuellement ou en collectives par des galeries et institutions suisses et étrangères. Plusieurs distinctions saluent son travail: Bourse de la Fondation Alice Bailly en 1979, Bourse de la Fondation Irène Reymond en 1987, Prix de la Banque Anker de Zurich en 1993, Prix de l'Union des Banques Suisses en 1994. A l'exception d'un atelier d'expression pour enfants qu'il anime en 1982–83 au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne, c'est à son seul travail pictural que Jaquet s'est toujours consacré, dans une situation financière souvent précaire. Jusqu'en 1972, les premiers dessins de Jaquet, sur lesquels plane l'ombre de Bosch et de Goya, se rattachent surtout à une veine fantastique. Dans ces compositions complexes et foisonnantes, la troisième dimension s'aplatit peu à peu pour donner la vedette au seul trait. Dès 1973, l'utilisation polysémique de la ligne, tant au crayon et à l'encre de Chine qu'à l'huile puis à l'encre lithographique, devient le moteur même de l'œuvre, où la couleur – éventuelle – a tantôt une fonction symbolique, tantôt le rôle d'humus duquel naît la ligne. En marge de son activité picturale, Jaquet mène un travail d'écriture qui s'exprime parfois par le poème, et plus souvent par des écrits et notes d'atelier qui jalonnent et nourrissent sa démarche créatrice.
Calligraphe du corps et réinventeur des mythes, il a une relation quasi organique avec le papier, son support presque exclusif. Ses figures naissent au sens en même temps qu'elles surgissent du blanc de la page ou de l'humus sédimenté de la couleur. Récurrentes, obsessionnelles, elles émergent d'un réservoir intime d'objets de fascination emblématiques où l'on croise saint Christophe porteur de l'Enfant divin, les figures gémellaires et les couples unis dans l'amour qui disent la nostalgie d'une complétude originelle, l'œil qui devient vulve, le volcan qui est aussi triangle pubien, la genèse qui raconte l'origine du monde et de ses formes, mais aussi l'ange déchu et la crucifixion qui rappellent l'échec intolérable.
Jaquet se tient sur le fil du rasoir entre improvisation sauvage et maîtrise savante, héritier lointain des peintres de Lascaux ou Altamira, cousin solitaire des inventeurs de ce que l'historien de l'art Harald Szeemann a baptisé les «mythologies individuelles». Dans son œuvre singulière, tout se joue dans un va-et-vient fécond entre la pulsion et l'intellect, entre le geste monté des profondeurs intérieures, des mémoires antérieures, et sa cristallisation dans des signes et archétypes inlassablement répertoriés, comme les idéogrammes d'un alphabet universel et sans âge.
Françoise Jaunin, 2006